La Wallonie, ses paysages contrastés, la chaleur de ses habitants, son fonds économique aussi. La Wallonie, région aussi magnifique que sous-estimée, devenue terre d’accueil récurrente de tournages internationaux.
Depuis quelques mois s’y sont croisés un thriller italien, un grand film populaire français, un drame de guerre danois, une série vintage made in France. Entre autres.
Il y a moins d’un an, c’est toute la région de Viroinval qui était en effervescence pour accueillir le tournage de Trois jours et une vie. Une réussite totale. Un cas d’école.
Adapté par l’écrivain lui-même et le réalisateur, Nicolas Boukhrief, ce roman de Pierre Lemaître se déroulait initialement dans les Vosges… une région souvent symbolisée par les forêts wallonnes comme dans la série Zone Blanche par exemple. Mais ici, point de « représentation », car les auteurs, et les producteurs belges (Umedia) et français (Mahi Films et Gaumont), décidèrent carrément de s’approprier les lieux et de situer l’action de leur long métrage dans le petit village rural et intemporel d’Olloy-sur-Viroin.
« A la base », explique le réalisateur Nicolas Boukhrief, « nous voulions travailler en Belgique pour des raisons très pratiques. Dans la première partie de notre film (scindé en deux époques), les enfants jouent un rôle essentiel dans l’intrigue. Or, la législation en matière de tournage avec les plus jeunes est nettement plus souple en Belgique qu’en France où ils ne peuvent être sollicités que quatre heures par jour, déplacement compris. »
Plus encore que le tax-shelter, cette différence est à la base de nombreux tournages belges de films qui mettent en scène des enfants ou des ados. Encore fallait-il dénicher le village adéquat qui puisse accueillir, sans la dénaturer, l’intrigue machiavélique imaginée par Pierre Lemaître.
Entre alors en scène le repéreur Antonin Morel en charge de débusquer le décor idéal. « J’ai commencé par voyager… sur google street view car Nicolas voulait absolument des maisons en pierres : pas de briques. Chaque fois que je trouvais quelque chose qui pouvait convenir, je me rendais sur place et j’envoyais les photos aux producteurs ».
L’équipe du Clap (aujourd’hui Wallimage tournages) donnera un petit coup de pouce décisif à l’opération en identifiant la région de Viroinval. Pour un choix qui se resserrera progressivement autour d’Olloy-sur-Viroin.
« Le village correspondait exactement à ce que nous recherchions », confirme le réalisateur. « Il avait la bonne taille pour que l’intrigue reste réaliste et surtout, il est vallonné ce qui permet d’apercevoir très souvent l’église. Nous disposions ainsi d’un précieux repère géographique pour mieux cerner les déplacements des personnages. De plus, Olloy est entouré par la forêt ce qui nous permet de plonger le jeune « héros » dans un état permanent de trouble puisqu’à chaque moment l’environnement lui rappelle son acte » . (NDLR. Nous avons légèrement modifié la réponse pour éviter de divulgâcher un élément important de l’histoire).
Rapidement le bourgmestre de Viroinval (remplacé entre cette étape et le tournage) s’est enthousiasmé pour l’idée et a, plus encore, apprécié la proposition inattendue de la production de garder pour le film le nom d’Olloy-sur-Viroin plutôt que d’inventer un patronyme générique qui donne l’impression qu’on se trouvait en France.
« J’ai été surpris que les producteurs me demandent cette permission avec autant de prudence », ajoute Jean-Marc Delizée, heureux et hilare. « Je croyais qu’on aurait dû payer pour cela ».
Car pour la commune il s’agit d’un incroyable honneur : outre l’impact au niveau de sa renommée, Olloy, véritable personnage central de Trois jours et une vie, a aujourd’hui un film (formidable) tout entier tourné dans ses murs, témoignage et souvenir éternel pour tous ceux qui y ont résidé, y résident, y résideront.
Si le tournage a duré de longues semaines et mis le patelin sens dessus dessous au sens littéral du terme, les relations entre les habitants et l’équipe ont toujours été fantastiques, estime Nicolas Boukhrief. Conquis par la gentillesse des autochtones, il ajoute malicieusement : « au début, ils étaient relativement timides, nous observaient de loin, mais à la fin, ils se réunissaient autour du combo pour regarder les scènes, ce qui ne me dérange pas du tout. Ils nous apportaient des quiches et des soupes quand nous filmions en rue, surtout le soir. Je n’oublierai jamais cet accueil incroyable. C’est le deuxième long métrage consécutif que je tourne en Belgique et je signerais volontiers pour ne plus travailler qu’ici. L’ambiance y est détendue, respectueuse, et les équipes belges sont formidables. Personne ne se prend la tête et tout le monde est d’une parfaite efficacité. »
Avec son florilège de vedettes du cinéma français, Sandrine Bonnaire, Philippe Torreton, Charles Berling et le jeune, mais très impressionnant Pablo Pauly (Patient), mais aussi une foule d’acteurs belges parmi lesquels on épinglera Jérémy Senez, Yoann Blanc ou Stéphanie Van Vijve, Trois jours et une vie est devenu un cas d’école. Qui, on l’espère, sera reproduit par d’autres équipes.
Ce petit tour d’horizon, enrichi des magnifiques clichés réalisés par Maxime Dechamps pendant le tournage d’une scène qui ne figure pas dans le montage final du film (pépites, donc), il serait injuste de ne pas parler du travail formidable, unanimement salué, de Yourek Dury, régisseur et homme-orchestre de cette intégration parfaite d’un long tournage dans un lieu de vie.
En informant sans cesse tous les habitants, en plaisantant avec eux, en discutant à bâton rompu avec chacun du matin au soir, Yourek est parvenu à créer un climat de confiance et à faire circuler l’information à toute vitesse entre tous les différents intervenants. Rapidement adopté par les habitants grâce à sa bonhomie, son ardeur au travail et son professionnalisme, il est un des artisans essentiels du succès logistique d’un film qui restera dans les annales de Wallimage comme une des réussites majeures de son soutien à l’industrie du cinéma.