Le Waste Land, cest cet interstice obscur qui sétend entre la vie et la nuit, la twilight zone où lhomme peut sombrer en oubliant tous ses choix de vie antérieurs, en sacrifiant tout ce quil aime. Le Waste Land cest également une vision nocturne quasi apocalyptique de Bruxelles, partagée entre petits coups tordus et manifestations presque surnaturelles quignorent la plupart des habitants. Dormez bonnes gens, la police veille Ou pas.
Waste Land est aussi le nouveau long métrage du très passionnant Pieter Van Hees, un film qui aurait pu/dû ne jamais exister, un projet qui revient de loin, presque dentre les morts, grâce à lacharnement de ses producteurs qui lont soutenu avec une hargne peu commune.
Chacun en parle assez librement aujourdhui, ce nest donc plus un secret : au départ, cest Matthias Schoenaerts qui devait incarner Leo. Le tournage était prévu à la rentrée 2012. Mais voilà, la star flamande, complice de Peter Van Hees sur Linkeroever, renonça provisoirement puis définitivement à son engagement à deux semaines du premier coup de manivelle. De graves problèmes familiaux lempêchaient de se lancer dans cette aventure éprouvante.
Une équipe technique et des acteurs en stand-by (notamment Bouli Lanners qui avait un rôle important dans cette version), un projet développé et financé soudain en péril, cétait un coup très dur pour la jeune société Epidemic.
Dautres options furent alors recherchées. Un acteur flamand de premier plan? Un inconnu talentueux ? Ou Jérémie Renier.
Lidée semble incongrue a priori, car le Bruxellois nest pas une star en Flandre et ne garantit donc pas un ramdam médiatique sur son seul nom. Autre inconvénient: selon les standards flamands, et même si son cachet na rien à voir avec celui quil toucha sur des tournages récents, Jérémie Renier reste cher par rapport aux comédiens flamands. Or, le budget du film déjà étriqué avait été reconsidéré à la baisse passant sous la barre des deux millions.
« Cest un petit budget », admet la jeune et sympathique productrice Eurydice Gysel. « Il est encore inférieur aux productions flamandes classiques. Vu lambition esthétique de ce polar, cest peu, mais nous navions pas le choix. Cela dit, nous ne voulions pas sacrifier la qualité aux contraintes et nous avons opté pour Jérémie, car le rôle de Leo est tellement complexe quil nous fallait un comédien exceptionnel sur qui nous pouvions compter les yeux fermés. »
Et le moins quon puisse dire est que Jérémie na pas déçu ceux qui lui ont fait confiance.
« Il est incroyable », senflamme la productrice. « Non seulement il est toujours juste, de la première à la dernière prise, très impliqué dans son rôle et dans le film, mais il est aussi adorable, au service du projet. Les autres acteurs le découvraient, mais lalchimie a immédiatement fonctionné. En termes de qualité de jeu et de charisme, il est évident que nous navons absolument pas perdu au change. Le film sera sans doute différent de ce quil aurait été avec Matthias mais aujourdhui je pense vraiment quil sera mieux. »
De fait, sur le tournage, on retrouve un Jérémie extraordinairement décontracté. Concentré, mais courtois et blagueur dès la fin de la scène et disponible pour tous. Sur un plateau, on voit (très très) rarement un acteur venir vers les journalistes et demander à la cantonade : « qui veut une interview? ».
Incontestablement, on le sent heureux de se frotter à ce personnage complexe et de découvrir un nouvel univers: après une plongée en apnée dans le cinéma argentin, voici le cinéma flamand.
« Cest incroyable », confirme-t-il, « mais je ne connaissais pas la plupart des acteurs avec qui je joue aujourdhui. Et pourtant, on tourne tous en Belgique. On habite parfois à quelques kilomètres lun de lautre. Cette séparation est totalement artificielle et Waste Land le montrera: cest un film bilingue, un vrai film belge en phase avec la réalité sociale bruxelloise. Jadore cette ambiance conviviale et je pourrais y replonger très vite. »
(Cinevox – 2013)