Avec 19 projets déposés pour une demande globale s’élevant à 2 522 000 euros — soit 215 % de l’enveloppe disponible — la bataille s’annonçait serrée dès les premières analyses. Une impression confirmée par le résultat final : seuls 7 dossiers ont finalement obtenu le feu vert du conseil, soit à peine 36,84 % des candidatures déposées.
Si cette sélectivité laissera un goût très amer à de nombreux·ses producteur·rice·s, technicien·ne·s et prestataires, on constate que les investissements de Wallimage sur cette session, s’élevant à 1 188 000 euros, généreront au minimum 10 456.953 euros de dépenses audiovisuelles éligibles en Région wallonne. Avec un ratio de retour de 880.21 %, cette session établit un nouveau record historique, reflet d’une concurrence féroce entre producteur·rice·s belges de plus en plus prisé·e·s, toujours désireux·ses de sécuriser le soutien stratégique du fonds.
Ce chiffre impressionnant n’efface toutefois pas le regret d’avoir dû écarter plusieurs films et séries presque aussi pertinents que les lauréat·e·s. Une enveloppe plus importante aurait permis de soutenir d’autres projets qualitatifs, présentant des niveaux de dépenses très comparables. Des retombées potentielles qui illustrent à quel point la Wallonie est devenue un territoire convoité pour les productions internationales.
Histoire, mémoire et ambition : trois fictions en prise de vue réelle
Parmi les projets soutenus, la série Alice, portée par Panache et La Compagnie Cinématographique, tire magnifiquement son épingle du jeu. Créée par Tim Loane (Versailles, Das Boot) et Claire Lemaréchal (Le Bureau des Légendes, Les Gouttes de Dieu), cette coproduction franco-belge reviendra sur l’histoire fascinante et méconnue d’Alice Guy, première femme réalisatrice, productrice et cheffe de studio, de l’histoire du cinéma. Ce drame, filmé entre la France, le Canada et la Wallonie, est porté par deux diffuseurs français. L’empreinte wallonne est forte : tournage sur le site du charbonnage du Bois-du-Luc, présence significative de comédien·ne·s locaux·ales dans différents rôles, implication de nombreux·ses technicien·ne·s régionaux·ales, location de matériel auprès de prestataires établis, et postproduction image, son et VFX intégralement réalisée dans des structures wallonnes.
Autre projet d’envergure, Oradour — Le dernier témoin, réalisé par Pierre Aknine et produit par Sequel Prod, nous plonge en juin 1944, dans les ultimes instants du village d’Oradour-sur-Glane. En toile de fond : une histoire d’amour tragique entre un artificier des Forces françaises libres et son amour de jeunesse, tous deux ignorant du destin funeste qui les attend. La fiction, construite en deux épisodes de 45 minutes, sera diffusée en prime time sur TF1 et RTL Belgium. Matt Pokora, qui fait ses débuts dans la fiction, endosse le rôle principal de ce drame poignant, qui pourrait ainsi sensibiliser un jeune public à une page sombre de l’Histoire. Le tournage s’étalera sur une vingtaine de jours en Wallonie et mobilise une équipe technique solide, dont plusieurs chef·fe·s de poste. L’essentiel de la postproduction, y compris le montage son, le mixage, l’étalonnage, le laboratoire et les livrables, sera pris en charge en Région wallonne, à l’exception du montage image, de la post-synchronisation et du sous-titrage, qui seront réalisés en France.
La réalisatrice italienne Susanna Nicchiarelli, déjà soutenue à trois reprises par Wallimage pour Nico, 1988, Miss Marx et Chiara, revient avec Happy Days, une comédie dramatique d’inspiration fantastique coproduite par Tarantula Belgique et Vivo Film. Le film suit Claudia, une femme dont le corps subit des transformations physiques étranges et progressives, qui la poussent à s’éloigner de son environnement, de ses proches et à redéfinir entièrement sa place dans une société qui ne la comprend plus. En toile de fond de cette adaptation d’une bande dessinée reconnue, une réflexion sur le féminin, la métamorphose, l’exclusion sociale et la résilience. Le tournage italien embarque une équipe de technicien·ne·s wallon·ne·s pour des fonctions clés, notamment l’ingénierie son et la direction artistique. La postproduction image et son, ainsi que les effets visuels, sont assurés en Wallonie, confirmant l’ancrage belge de ce projet européen. Le film bénéficie d’un casting international prestigieux avec Carlotta Gamba (Vermiglio), Riccardo Scamarcio (John Wick 2 et 3) et Bruno Orlando (L’amie prodigieuse), et vise une carrière en festivals majeurs, avant une sortie en salles arthouse.
Le nouveau long métrage de Lukas Dhont, intitulé Coward, marque sa première collaboration avec Wallimage. Ce drame historique est produit par The Reunion et coproduit par Versus. Il suit Pierre, un jeune soldat belge en 1916, qui découvre l’amour et l’art dans les spectacles de tranchées tout en remettant en question les notions d’héroïsme et de lâcheté. Malgré des dépenses wallonnes relativement modestes, le projet s’est bien classé grâce à son potentiel artistique qui devrait lui permettre une carrière internationale, et dès lors une mise en lumière des talents wallons impliqués, son potentiel commercial qui pourrait déboucher sur des recettes pour le fonds, mais aussi grâce à sa faible demande financière qui génère un ratio de réinvestissement important.
Animation wallonne : ancrage régional et ambitions internationales
Dans un tout autre registre, Journey to the Christmas Star, long métrage d’animation réalisé par le Norvégien John Andreas Andersen nous a été amené par NWave pour son studio liégeois. Il marque un nouveau jalon dans les collaborations entre la Wallonie et la Scandinavie. Cette coproduction minoritaire impressionne par l’ampleur de la fabrication en Belgique : direction artistique, modélisation, animation, VFX et une partie de la postproduction ont été intégralement confiés à une équipe de plus de 30 personnes installées à Liège. Ce projet assure une continuité d’emploi pour les talents locaux, déjà mobilisés sur la précédente production du studio, Kaya, the Unstoppable, et consolide des partenariats prometteurs avec la Scandinavie que Wallimage compte renforcer cet été à Haugesund où se tiendra le Norwegian International Film Festival qui a tenu à nous inviter.
Aquila, série réalisée par Daniel Dubuis et coproduite chez nous par Cédric Iland pour Umedia Production, s’adresse aux enfants de 6 à 9 ans à travers 52 épisodes de 11 minutes. On y suit Aquila, une jeune fille de 10 ans débordante d’ambition, bien décidée à réussir dans la mégapole de Méditropolis. Son aventure prend un tournant inattendu lorsqu’elle devient l’assistante de la fantasque Princesse Winifred, accédant ainsi — au sens propre — aux clés d’un royaume médiéval où l’absurde côtoie le merveilleux. Souvent comparée aux Simpson ou Désenchantée pour son ton décalé et ses gags visuels absurdes, Aquila a été l’une des sensations du Cartoon Forum 2023. Elle représente aussi une étape stratégique pour le groupe Banijay Kids & Family, qui signe ici sa première coproduction massive avec la Belgique. Objectif affiché par Umedia : démontrer que la Wallonie peut rivaliser avec les partenaires traditionnels du groupe français, essentiellement venus d’Asie ou d’Italie. Le studio Waooh ! sera en charge de la fabrication des storyboards et animatiques à partir d’octobre 2025, suivie de l’animation complète entre mars 2026 et mars 2027, mobilisant une trentaine d’artistes et technicien·ne·s locaux·ales. Cette série à fort potentiel international ambitionne de lancer une nouvelle propriété intellectuelle originale.
L’animation est encore à l’honneur avec Mon chien, Dieu et les Pokétrucs, un film de Marine et Cédric Lachenaud coproduit par Belvision. Ce long métrage de 52 minutes, destiné à un jeune public, aborde avec délicatesse et humour les thématiques de la guerre, des réfugié·e·s et de l’intégration. L’histoire de Pauline, 8 ans, qui décide d’arrêter la guerre pour permettre à son amie syrienne Zein de rentrer chez elle, est notamment servie par les voix de Guillaume Meurice en gentil toutou, Jeanne Cherhal et Yolande Moreau. Dreamwall est en charge d’une partie significative de la production graphique, comme la modélisation, les matte-paintings et l’animation. À l’origine, imaginé pour la télévision, le film fera aussi l’objet d’une sortie salles sur quelques territoires majeurs.
Prochaine session
La prochaine session de financement, la quatrième de cette année, est fixée au jeudi 11 septembre 2025 pour le dépôt des projets. D’ici là, l’équipe de Wallimage souhaite d’excellentes vacances à toutes celles et ceux qui auront l’occasion d’en prendre.