La semaine de la critique se risque Hors les Murs

  • 23.04.2012

Frakas sera donc sur la Croisette avec une production majoritaire. C’est une excellente nouvelle. Versus, fidèle à Joachim Lafosse depuis ses tout débuts, voit son travail de fond salué de la plus belle manière qui soit avec la sélection de A Perdre la Raison (Un Certain Regard). Et Les Films du Fleuve, maison de production des frères Dardenne qui ont ouvert leur expertise à d’autres cinéastes talentueux, sont récompensés en plaçant carrément 3 coproductions en Compétition Officielle.
On a déjà parlé du coup de poing de Jacques Audiard (Grand Prix en 2009 avec Un Prophète), mais il ne faudrait pas oublier que Beyond the Hills de Cristian Mungiu (Palme d’Or en 2007) et La Part des Anges de Ken Loach (Palme d’Or en 2006) ont été en partie financés grâce à eux et fabriqués chez nous. Un line-up d’exception. Ne soyons pas blasés : ce tir groupé est une colossale réussite !

Il s’agit donc bel et bien du couronnement d’une démarche volontariste pour trois maisons de production représentant trois générations successives qui aujourd’hui coexistent et se complètent dans la Cité Ardente. Trois compagnies hyper actives qui ont un réel impact sur les sociétés de services audiovisuels installées au Pôle Image de Liège comme Eye-Lite (location de matériel de tournage), Mikros Image (effets visuels) ou le tout nouveau studio de mixage SonicPil.

Mais le succès d’Hors Les Murs est naturellement aussi celui de David Lambert, un concentré de talents, férocement décidé à imposer sa patte dans notre paysage cinématographique. Car derrière sa courtoisie, son sourire omniprésent et son apparente nonchalance, David est un artiste exigeant et très talentueux. Connu pour son expertise scénaristique, il a séduit les festivals avec un premier court métrage foudroyant (Vivre encore un peu) et logiquement enchaîné avec un long. Une histoire d’amour. Homosexuelle.

Face à face Ilir, bassiste dans un groupe rock. Albanais et homosexuel. Un mélange pas simple à assumer, comme le souligne fort justement son interprète Guillaume Gouix. Surtout quand il tombe sous le charme de Paulo (le nouveau venu en haut de l’affiche, Matilia Malliarakis), un jeune rêveur, mais aussi une véritable sangsue assoiffée d’amour et d’attention. Sans une prestation exceptionnelle de ces acteurs omniprésents à l’écran point de salut : la crédibilité du film repose sur leur charisme et leur alchimie, sur leur fragilité et leurs doutes, sur leur attachement mutuel, sur la subtile ambivalence de leur relation.

Mais la réalisation n’est pas pour rien non plus dans cette réussite déroutante. David Lambert qui nous offre ici sa propre version des Parapluies de Cherbourg (sic!) impose, dès son premier long métrage, un style fort personnel, sec et rythmé. Moins émotionnels que prévu, plus radical. Un style qui a donc séduit une poignée de critiques enthousiastes (voir la liste ici ) qui ont décidé de proposer Hors les Murs dans leur espace cannois à eux. Dans un passé assez récent, cette vitrine exigeante a révélé au monde des cinéastes du calibre de Guillermo del Toro, Gaspar Noé, Alejandro González Iñárritu ou Jeff Nichols.
Formidable, non?