La session 119 de Wallimage marque l’histoire du fonds

Depuis la fin du Covid, le nombre de dossiers déposés chez Wallimage a progressivement augmenté et cette tendance s’est encore accrue ces derniers mois. S’il est une session emblématique de ce phénomène, c’est bien celle que nous venons de vivre (la 119e de l’histoire du fonds) avec un nombre impressionnant d’excellents dossiers et une conséquence un peu amère pour Wallimage : l’enveloppe dont nous disposons ne nous permet plus de rencontrer toutes les formidables propositions que nous font les producteurs. Même si tout fonds sélectif laisse sur le côté du chemin des projets parfois séduisants, il est évidemment toujours frustrant de délaisser des dossiers qui promettent de très importantes dépenses en Région Wallonne.
Le côté positif de cette avalanche inattendue est que la sélection opérée par le Conseil décentralisé des coproductions de Wallimage, réuni ce lundi 22 avril, est probablement la meilleure de l’histoire de Wallimage avec des dépenses attendues très importantes, des taux de retombées dépassant nos espérances et des propositions de remontées de recettes très attrayantes, notamment sur des films présentant un potentiel de succès public important.

La grande tendance de cette session est le retour en force des longs métrages, surtout d’origine française puisqu’une seule série, d’animation, nous a été présentée. Un des leitmotivs du récent Séries Mania à Lille était d’ailleurs que 2024 ne serait certainement pas une année faste pour les séries avec moins de demandes des plates-formes et des budgets en nette régression…

Les lauréats de cette session se composent donc de cinq projets français, de trois longs métrages initiés en Belgique, d’un téléfilm allemand et d’un film de genre canadien très original.

 

L’axe belge

Pour la neuvième fois, Wallimage s’engage aux côtés des Films du Fleuve pour cofinancer un film de Jean-Pierre et Luc Dardenne (©Copyright photo : Christine Plenus). Rien de plus normal puisqu’en matière de longs métrages initiés en Belgique, les frères ont toujours localisé leurs (longs) tournages en Wallonie, employant de nombreux techniciens locaux et de jeunes acteurs du terroir. 52 jours seront nécessaires à la mise en boîte de La Maison maternelle (sans tenir compte des longues répétitions) avec 26 techniciens impliqués, dont 8 chefs de poste. D’importants postes en personnels auxquels s’ajouteront des acteurs non encore castés, et de la location chez Eyelite et TSF, plus une cantine, bien sûr. S’éloignant du schéma récurrent de leurs trois derniers films, les Frères nous proposent ici une œuvre chorale autour de la maternité de plusieurs jeunes femmes, avec une approche artistique qui semble proche du documentaire.

 

Le documentaire, c’est précisément la grande spécialité d’une autre maison de production liégeoise, Les Films de la Passerelle, qui nous revient avec L’acier a coulé dans nos veines. Le long métrage de Thierry Michel radiographiera l’impact de la disparition définitive de la sidérurgie liégeoise en 2013, une industrie qui a fait la prospérité de la Wallonie, une fermeture qui a laissé des milliers de travailleurs sur le carreau. 30 jours de tournage en Wallonie, trois auteurs, un compositeur de la BO, une équipe de production, un monteur son, un chef monteur, un étalonneur, un superviseur VFX numérique, tous wallons emporteraient l’adhésion. Mais il faut leur ajouter une utilisation maximale de ressources techniques wallonnes : la location de matériel chez Cetemi, le montage son et le mixage chez Stand Up, le montage chez Cetemi, l’étalonnage chez Genval-les-Dames et le mastering chez Planète Hollywood. Un grand schelem pour un film qui sera diffusé sur la RTBF et Canvas, mais également proposé en salles par les Grignoux, dès janvier 2025

 

Le troisième projet belge qui rejoint le line-up de Wallimage est un long métrage d’animation, taillé pour le grand public puisqu’il est proposé par NWave qui revient à ses fondamentaux avec Chickenhare 2 où Hopper et ses deux meilleurs amis, Meg et Archie, sont devenus des aventuriers reconnus. Leurs nouvelles aventures rocambolesques évoquent les classiques du genre comme Indiana Jones et devraient faire honneur au premier volet sorti en salles dans plus de 60 pays et sur Netflix dans le reste du Monde avec des chiffres de visionnement affolant. L’essentiel des dépenses repose sur vingt d’opérateurs wallons chevronnés qui officient durant deux longues années dans le studio bruxellois.

 

La France en forme olympique.

On s’en doutait, c’est avéré : l’approche des Jeux Olympiques de Paris provoque un déplacement massif de tournages vers la Belgique. Une aubaine pour les producteurs d’ici qui nouent ou consolident des partenariats avec de talentueux homologues français, partenariats qui ont toutes les chances de perdurer puisque, comme chacun le sait, quand on goûte à l’hospitalité wallonne, il est difficile de s’en passer ensuite.

Le Million marque le retour derrière la caméra de Grégoire Vigneron après un beau parcours de scénariste (Le Petit Nicolas, Un homme idéal, Un homme à la hauteur…). Quatorze ans après Sans laisser de traces, il plonge dans le bain de la franche comédie, axée sur l’irrésistible principe du duo de personnages antagonistes obligé de faire front ensemble. Le script, efficace, sera un écrin idéal pour Christian Clavier et Rayane Bensetti qui vont devoir batailler ensemble pour… remettre en place un million d’Euro que Bensetti a dérobés sur un coup de tête. Vous la sentez l’odeur du succès en salles ? Si le film que nous propose Umedia sera essentiellement tourné en région bruxelloise (33 jours d’avril à juin 2024), 10 techniciens wallons seront sur le plateau. Le storyboard de Pascal Degrune (de plus en plus demandé), la location des caméras, de l’électro et des loges, la postproduction chez Cob et l’Équipe Wallonie, l’intervention de Magic Loom ainsi que des VFX réalisés à Genval chez UFX Wallonie complètent les dépenses, boostées par un excellent ratio.

On trouve aussi beaucoup d’humour (acide) dans les dialogues de Madame, une cinglante comédie humaine signée par Thierry Klifa que nous a amenée Versus. Même si aucun nom n’est explicitement cité, on comprend vite que ce scénario s’inspire de la tumultueuse relation entre Liliane Bettencourt et le photographe François-Marie Banier, mais loin d’être purement illustratif, l‘excellent scénario développe une réflexion profonde sur la valeur de l’argent face à celle du bonheur. Avec son casting étincelant, il nous semble que le film ferait très belle impression sur le Tapis rouge cannois pour une séance spéciale. 10 jours de tournage sur 35 sont localisés en Wallonie dans une demeure hallucinante du côté de La Hulpe constituent la base du projet. 34 techniciens participeront à l’intégralité du tournage avec du matériel loué chez TSF tandis que la postproduction son s’effectuera chez Bardaf (un des grands vainqueurs de cette session), la postproduction image à l’Équipe Wallonie et quelques VFX chez L’Autre Compagnie.

Chacun à sa manière, selon des angles radicalement différents, tous les films de cette session s’interrogent sur le sens de la vie. C’est aussi le cas de Dalloway, nouveau long métrage du stakhanoviste Yann Gozlan (Un homme idéal, Boîte noire, Visions…), épaulé depuis longtemps par Panache Production et La Compagnie Cinématographique dont l’importance s’accroît de coproduction en coproduction. Le réalisateur, connu pour son sens de l’image léchée et son goût pour le suspense paranoïaque, s’attaque ici frontalement à l’impact de l’intelligence artificielle sur la création artistique avec un scénario malin qui se dévore comme un roman. Adapté des Fleurs de l’ombre de Tatiana de Rosnay, le texte tient évidemment compte des récents développements fulgurants de l’IA pour développer un univers (pas si) dystopique dans lequel une écrivaine tourmentée (Cécile de France) sera confrontée à une immatérielle, mais très invasive assistante virtuelle, Dalloway. 7 jours de tournage sont localisés en Wallonie avec 27 techniciens dont 5 chefs de poste et trois petits rôles. Côté industrie technique, on note de la location chez TSF, Eyelite, Macadamcar et Ciné location de la postproduction chez Genval-les-Dames et Bardaf et pas mal d’effets spéciaux numériques pour compléter un formidable tableau.

 

Fantastic Wallonia

Sous l’égide de notre fameux label « Fantastic Wallonia », désormais reconnu internationalement, on reste dans le film de genre avec Moso qui s’écarte de la SF pour nous plonger dans un « rape and revenge » angoissant. Le scénario frappe par la noirceur immorale de son traitement, inspiré par le Rashomon d’Akira Kurosawa, mais aussi par l’originalité de l’arme de la vengeance que nous vous laisserons découvrir quand le film sera sur les écrans (spoiler :  le titre est un indice). Dans la lignée des films de la série Black Swan Tales ou encore de Schlitter (tous soutenus par Wallimage), voilà un long métrage hargneux à petit budget, avec de jeunes acteurs, un tournage wallon, un réalisateur en voie de confirmation et un scénario simple et direct destiné aux fans. Scope Pictures a ramené l’intégralité du tournage en Wallonie, soit 18 jours pour 34 techniciens (13 chefs de poste). Du matériel loué chez TSF et AdHoc, une cantine, de la postproduction chez Cob et Bardaf, des SFX sur le plateau et des effets numériques complètent une excellente proposition, pleine de peps.

Le sens de la vie peut également se trouver par-delà la mort : c’est le message de Place of Ghosts, un trip très étrange initié et tourné au Canada (anglophone) et repéré par Beluga Tree qui localise chez nous son imposante postproduction : du bruitage chez Genval-les-Dames, le montage son et le mixage chez Bardaf, l’étalonnage et le mastering à l’Équipe Wallonie, et surtout les VFX qui occuperont 25 graphistes pendant 60 jours chez Benuts. Sous couvert de thriller horrifique, Place of Ghost est surtout un drame familial qui s’inscrit dans un ancrage unique lié à la culture des Premières Nations, à leur rapport au temps, à la nature et à la notion de bispiritualité. De quoi nous plonger dans les méandres d’un univers dépaysant, très éloigné de nous. Mais fascinant.

 

Deuxièmes passages

Lorsqu’un projet est présenté une seconde fois au groupe d’analyse de Wallimage, il est souvent nécessaire qu’il soit sérieusement boosté par rapport à une première mouture qui n’avait pas les atouts suffisants pour se glisser parmi les lauréats. Le moins qu’on puisse dire est que Beside et Umedia ont parfaitement intégré la leçon avec des dossiers désormais tellement bien profilés pour notre région qu’on ne pouvait décemment pas les ignorer.

Le 15 septembre 1958, le Général de Gaulle et le Chancelier allemand Konrad Adenauer se rencontrent à Colombey-les-Deux-Églises. Une Première depuis la fin de la guerre, qui fera date dans l’histoire moderne de l’Europe. Que se sont-ils dit ? C’est ce que se propose de retracer A Day in September, un téléfilm allemand qui sera diffusé sur ZDF et Arte et sera intégralement filmé à Florenville et Tubize (22 jours). 25 techniciens sur le tournage, un peu de casting, des dépenses audiovisuelles sur le tournage (catering, costumes, …), de la postproduction chez Karaboutcha, Bardaf et Cob, quelques VFX chez Benuts et de la location de matériel (le tout servi par un ratio exceptionnel) ont permis au projet de se qualifier dans une session pourtant hyper compétitive.

Projet d’animation à destination des tout petits, Moods est une série divertissante dont l’écriture et le développement s’appuient sur des travaux actuels en neurosciences et psychologie de l’enfant. Douze petits personnages qui incarnent une émotion évoluent ainsi dans un univers chatoyant sous le regard d’une narratrice féminine bienveillante. Waooh ! animera 26 épisodes des 52 épisodes avec 10 artistes (plus un superviseur), dont 8 seront wallons pour un total estimé de 1.829 J/H entre juin 2024 et avril 2025, ce qui équivaut à 8 équivalents temps plein sur 1 an.

 

À côté de ces lauréats, quelques excellents projets sont hélas restés sur le carreau. La session de juin devrait les voir revenir avec de réelles chances de se qualifier même si, évidemment, on attend à ce moment aussi, les premiers projets négociés à Cannes par les producteurs belges, toujours très présents sur la Croisette.

Attention ! Le prochain dépôt est exceptionnellement programmé un LUNDI, le 3 juin.

  • 15.05.2024