Session 117 - Pays de Charleroi, c’est toi que je préfère

Ce n’est pas tous les jours que le petit monde du cinéma entonne cet hymne plutôt réservé aux supporters des footballeurs locaux quand ils se produisent au Stade du Pays de Charleroi. Il est pourtant très adapté à cette session : trois projets majeurs retenus par le Conseil décentralisé des coproductions de Wallimage, réuni ce lundi 18 décembre, à l’occasion de la 117e session de financement, vont en effet animer le Pays Noir pendant des mois et y booster l’économie locale et régionale.

  • 24.01.2024
Charleroi

À commencer par Pays Noir, justement, une série en huit épisodes pour la Une où un jeune rappeur fait équipe avec une avocate très indépendante pour sauver une boîte de nuit carolo. Ce projet est né de l’expérience Belgian R/O, soutenue par Wallimage, qui consistait à développer des IP déclinables sur de nombreux formats. Après quelques années de travail, une première série va enfin voir le jour. Elle est produite par François Touwaide qui a créé Sequel Prod après avoir quitté Entre Chien et Loup. Le tournage des huit épisodes de Pays Noir est entièrement prévu à Charleroi et sa région, pendant 72 jours, répartis en deux blocs à partir du mois de mai. Benjamin Viré réalisera le premier et Maxime Pistorio le second. Les dépenses en Région wallonne seront importantes avec une large équipe de techniciens sur le plateau, des comédiens, de la logistique, de la postproduction son et image ainsi que de la location de matériel.

 

Avant de swinguer au son de la pop et du hip-hop, Charleroi aura été électrisé par un autre tournage assez étonnant : Plus fort que le diable de Graham Guit est le premier projet que nous cofinançons avec Rockstone films qui a déjà produit Music Hole et distribué en Belgique Le cours de la vie et Les Gentils. Le scénario de cette comédie dramatique croustillante qui flirte avec le genre est assez inhabituel dans le cinéma francophone et contraste avec un casting qu’on aurait plutôt attendu dans un film d’auteur. Aux côtés d’Harpo Guit (fils du réalisateur et acteur de Fils de Plouc), on trouvera ainsi Marina Vacth (Jeune et jolie), Melvil Poupaud (L’amour et les forêts), Nahuel Pérez Biscayart (120 battements par seconde) et Riccardo Scarmacio, le Caravage de Michele Placido, qui vient d’incarner Modigliani dans Modi, réalisé par Johnny Depp et produit par Al Pacino. Les cinquante jours de tournage seront tous carolos avec une solide équipe et des dépenses localisées en Wallonie pour la location, les VFX et toute la postproduction.

Quand on évoque le travail audiovisuel en région de Charleroi, on pense naturellement à Dreamwall, un des studios d’animation les plus actifs de Belgique. Le nouveau projet amené par Belvision est potentiellement très porteur à l’international puisque les 26 épisodes de 24 minutes destinés au 7-12 ans qui seront en partie réalisés à Marcinelle sont une adaptation de l’excellente série de BD Louca qui, à travers le foot, parle d’amitié et de développement personnel. Dreamwall gérera le lay out de 7 épisodes et l’animation 3D de 18 des 26 épisodes. De quoi occuper 21 équivalents temps plein dont 5 postes cadres sur une période d’un an. De très importants travaux d’auto-description sont aussi prévus en Wallonie.

MÈRE AMÈRE

L’autre thème majeur de cette 117e session est celui de la maternité à travers deux œuvres très dissemblables dans l’atmosphère que leur scénario distille.

Mother de Teona Strugar Mitevska sera presque entièrement filmé en Wallonie même s’il est censé se dérouler à… Calcutta. Il faut dire que l’intrigue est surtout cantonnée entre les murs d’un couvent. Le tournage se partagera donc entre l’abbaye d’Aulne à Thuin (dans la région de Charleroi, encore) et celle du Saulchoir à Kain. C’est déjà le 5e film que Sébastien Delloye coproduit avec la réalisatrice-productrice, mais c’est le premier majoritairement porté par Entre chien et loup avec le soutien de la Macédoine, du Danemark et de la Suède. Plus de la moitié des dépenses wallonnes est liée à la main-d’œuvre, avec notamment 22 techniciens, un administrateur de production, un directeur de postproduction, mais aussi du bruitage, de la location de matériel (KGS et Eyelite) et de la logistique (décors, catering, loges, camions). Le film suivra, pendant dix jours cruciaux, la destinée de Mère Térésa qui s’apprête à quitter le couvent dont elle a la charge. Un déchirement rendu encore plus compliqué quand elle apprend que la religieuse à qui elle pensait pour lui succéder a enfreint certaines règles de la vie monastique. Ce personnage emblématique sera incarné par la star internationale Noomi Rapace qu’on a notamment vue dans les trois adaptations scandinaves de la série littéraire Millenium, Alien Promotheus, Seven Sisters (déjà cofinancé par Wallimage) et Lamb, un formidable film qui se déroulait en Islande. Tout comme Ring Road cinquième ajout à notre line-up.

 

Proposé par Wrong Men, ce thriller psychologique qui évoque Speak no evil et Midsommar mettra en scène Papaa Essiedu (The Lazarus Project) et Elizabeth Debicki, la Diana de la série The Crown. Ces deux Anglais parcourent la route circulaire qui fait le tour du pays afin de photographier la fonte des glaciers. En chemin, ils embarquent une autostoppeuse et son bébé. Mais la mère disparaît, leur abandonnant sa progéniture, et le duo se rend vite compte qu’il est pisté par des individus patibulaires, mais aussi par la police. Helen Jones (Silver Salt) qui initie Ring Road en Angleterre nous avait rencontrés il y a quelques années lors d’un forum Frontières. Elle s’est souvenue en recherchant des partenaires pour ce film que la Wallonie était une terre d’accueil pour les films de genre et Wallimage son meilleur ambassadeur en la matière. Quelques calls plus tard, la collaboration avec Benoit Roland était entérinée. Le projet permettra à notre région d’envoyer une poignée de techniciens sur le tournage, de réaliser des effets spéciaux, mais aussi de gérer la postproduction image et son sur un long métrage qui soulève l’enthousiasme des professionnels au point que le vendeur international Protagonist a mis sur la table un impressionnant MG (minimum garanti) de plus de 3,5 millions d’euros.

L’ALLEMAGNE ENTRE DEUX FEUX

Autre projet appelé à devenir peut-être un succès international, Les Goûteuses nous a été amené par Tarantula. Ce long métrage italo-suisse est adapté du célèbre roman La Goûteuse d’Hitler, écoulé à plus d’un million d’exemplaires dans 46 pays, mais jamais sorti en Allemagne. Il faut dire que l’histoire (vraie, mais romancée) est assez troublante. Nous sommes en pleine seconde guerre mondiale et la situation de l’Allemagne devient critique. Dans un petit village isolé, sept femmes sont recrutées pour une mission périlleuse : goûter chaque jour les plats que s’apprête à manger le Führer afin de s’assurer qu’ils ne sont pas empoisonnés. Sur sept semaines de tournage, douze jours se dérouleront en Wallonie, à Havelange et Treignes. 21 techniciens sur le plateau, des décors, meubles et costumes, une postproduction son chez Mute&Solo constituent l’essentiel des dépenses wallonnes sur ce beau projet réalisé par Silvio Soldini, habitué des festivals majeurs et des prix à travers l’Europe.

 

L’Allemagne du début du 20e siècle est également le théâtre d’Oktober Fest 1905, saison 2, que nous amène Velvet Film. Quatre épisodes de 45 minutes retraceront la lutte d’une petite brasserie traditionnelle dans un quartier ouvrier munichois face aux forces du grand capital. Cette deuxième saison se déroule cinq ans après la première qui avait été tournée en Hongrie. Celle-ci sera en partie filmée en Wallonie (17 jours sur les 42 prévus au programme) avec 31 techniciens sur le tournage, quelques petits rôles, des décors, du catering, des costumes, de l’étalonnage, des VFX et le traitement des rushes.

BONNE ANNÉE

Ainsi s’est terminée la 23e année de Wallimage globalement marquée par une forte augmentation du nombre de dossiers reçus, notamment dans le domaine de l’animation et une avalanche de projets très ambitieux. Nous détaillerons évidemment cette tendance et toutes celles qui ont émaillé ces cinq sessions lors de notre bilan annuel, programmé au Plaza montois le 13 mars à 14h dans le cadre du Love International Film Festival Mons.