Session 121 : le cinéma belge à l’honneur

La quatrième session de Wallimage Coproductions de 2024 met à l’honneur la créativité belge avec dix nouveaux projets soutenus, dont six développés depuis la Belgique.

  • 15.10.2024

La quatrième session de Wallimage Coproductions pour cette année 2024 voit dix projets rejoindre l’imposant line-up du fonds wallon. Particularité de cette édition automnale : six des œuvres retenues ont été initiées ou majoritairement produites en Belgique ce qui est assez inhabituel dans nos statistiques. Le Conseil décentralisé des coproductions, réuni ce lundi 7 octobre, a donc acté un investissement de 1 228 000 qui générera des dépenses wallonnes d’au moins 8 259 222 euros, soit un excellent ratio de réinvestissement pour la région de 672 %. Sans oublier les remontées de recettes plus ou moins conséquentes qui devraient accompagner la sortie de certains de ces projets. Et naturellement, les dépenses indirectes, non audiovisuelles, surtout liées aux journées de tournage en Wallonie. Elles sont 114 pour cette seule session. Hors, bien sûr, le documentaire Forêt vivante qui en représente environ 600 à lui seul !

Made in Belgium

Un Monde, le premier long métrage de Laura Wandel, a connu une jolie carrière internationale de prestige avec une sélection cannoise dans la section Un certain regard et des critiques hyper positives. Il a aussi remporté 7 Magritte du cinéma en 2022. Produit par Dragons films et les Films du Fleuve, L’intérêt d’Adam, nouveau long métrage de la très prometteuse réalisatrice, est entièrement tourné en Wallonie, au centre hospitalier de Huy, au centre Croix Rouge de l’Espérance et à l’hôpital du Mont Légia avec une équipe plutôt wallonne au sein de laquelle on pointe un 1er assistant, mais aussi 23 technicien·ne·s et quelques actrices et acteurs régionaux. La location de matériel chez TSF, le catering sur le tournage et le mixage chez Studio L’Équipe Wallonie complètent les dépenses régionales de ce film qu’on espère découvrir à Cannes en mai prochain d’autant que son casting qui réunit Léa Drucker (L’été dernier) et Annamaria Vartolomei (L’Événement, Le Comte de Monte Cristo…) est plus qu’alléchant.

Destiné à un public plus jeune, Space Boy, premier long métrage d’Olivier Pairoux, a fait un bout de chemin dans les salles, malgré une sortie dans un contexte sanitaire difficile, avant de réaliser de bons scores à la télévision. On aurait donc pu s’attendre à ce que le réalisateur liégeois, installé à Anvers, récidive dans le même créneau très peu exploité en Belgique francophone. Mais cet amateur de films de genre a pris tout le monde à contrepied en proposant à sa productrice Annabella Nezri (Kwassa films) Vigilante, un scénario sombre et tendu, « à la flamande », traitant d’un phénomène populaire aux États-Unis : des justiciers anonymes qui traquent et punissent des pédophiles sur Internet en se faisant passer pour de jeunes proies. Le tournage s’attardera durant 7 jours en Wallonie avec 22 technicien·ne·s régionaux·ales et le Liégeois Damien Chapelle dans un des rôles principaux aux côtés de Geert Van Rampelberg et un premier rôle très prometteur dont nous ne pouvons dévoiler le nom à ce stade. Outre la cantine, la location de l’électro et de la machinerie chez TSF, la postsynchro chez Dub Fiction, les VFX chez Limonade pour 15K seront également wallons.

Seule contre tous de Teianu Ionut, présenté par Jungle films, est un long métrage destiné à la télévision. Il sera diffusé sur RTL et M6 début 2025. Car oui, sa particularité est d’être entièrement conçu en Belgique en un temps record selon un process industriel réplicable plusieurs fois par an. Inspiré de l’affaire de la Josacine qui fit sensation en 1994, l’histoire débute quand une fillette, qui passe la nuit chez des amis, décède après avoir ingéré un médicament empoisonné. L’enquête qui va suivre, complexe et tendue, révélera de multiples secrets. Censée se dérouler en Normandie, cette histoire sera filmée en Wallonie pendant 17 jours, avec 33 technicien·ne·s sur le plateau (dont 7 chef·fe·s de poste). S’ajouteront à ces dépenses, de la location, le catering et une bande originale wallonne.

À côté de ces trois longs métrages de fiction, deux documentaires aussi initiés chez nous ont été sélectionnés par le CDC de Wallimage : Les arpenteurs du temps, présenté par Les Films de la Passerelle est le nouveau long métrage d’Agnès Lejeune et Gaëlle Hardy qui ont notamment signé ensemble le bouleversant Les mots de la fin. Les questions qu’elles se posent ici sont une nouvelle fois cruciales : comment vieillissons-nous ? Qui prendra soin de nous ?  100 % belge et à 92 % wallonne, cette production sera filmée en Wallonie. Outre les autrices-réalisatrices, le chef opérateur, la filière son, la postproduction image et la location de matériel sont aussi wallons. Plus régional est-ce possible ?

Plus peut-être pas. Mais Forêt vivante de Robert Henno fait aussi bien. Produit par Taka, ce long métrage documentaire animalier explore la forêt wallonne qui abrite une flore et une faune riches et diversifiées. Sans son compère Jean-Christophe Grignard avec qui il a réalisé les trois volets de Wallonie Sauvage, le réalisateur de Seneffe réunit à nouveau une (petite) équipe 100 % hennuyère autour de sa passion qui le conduira à s’immerger dans notre nature pendant près de deux ans. Pour la première fois, une version anglaise sera enregistrée afin de mieux aborder le marché international. Cet appendice à la série Wallonie Sauvage confirme que nous avons eu raison d’aider cette équipe à tracer sa voie vers le professionnalisme quand elle est venue nous voir, il y a quelques années, sans schéma industriel en tête. Avec juste des projets, l’expérience du terrain et du talent.

Le sixième projet made in Belgium est Yugly, l’annuel long métrage produit par les studios NWave, qui racontera l’histoire d’un chiot assez laid, désireux de participer à un concours de beauté. Sous la houlette de Yanis Belaid et du Wallon Jérémie Degruson, 18 technicien·ne·s wallon·ne·s travailleront pendant deux ans dans les studios bruxellois de ces pionniers de l’animation belge : six technicien·ne·s officieront au rigging, cinq au lighting/compositing et le reste de l’équipe sera réparti sur divers postes. Yugly a selon nous tous les atouts pour rencontrer un succès digne de celui dégagé par quelques-uns des précédents projets du studio belge, comme Big Foot Family ou Queen’s Corgi pour ne citer qu’eux.  Un miracle, rappelons-le, vu que les budgets de ces films atteignent à peine 10 % de ceux de Pixar ou Dreamworks avec qui ils sont pourtant en concurrence frontale sur le marché de l’animation mondiale.

Coproductions minoritaires

Toujours dans le domaine de l’animation, Bottanïx du Canadien Benoit Godbout nous a été amené par Stacka qui va fabriquer l’essentiel de la partie belge du projet dans les studios montois de The Pack Wallonia, où de nombreux artistes wallon·ne·s sont en train d’être recruté·e·s. 1,35 million d’euros seront ainsi dépensés ici, représentant 2049 jours de travail, soit 9ETP (équivalent temps plein) sur un an. Cerise sur le gâteau, ce film grand public sera l’occasion de mettre en avant la technologie maison, SYNK, basée sur le moteur de jeu vidéo Unity, qui réduit de façon stupéfiante le temps de rendering. Il s’agira ainsi pour le studio d’une démo grandeur nature tout en travaillant sur un projet au potentiel international évident.

Grâce au soutien de Wallimage, Climax a réussi, il y a quelques années, à mener à bien une 1ère coproduction avec la Suisse, Atlas. Plusieurs prestataires wallons impliqués sur la fabrication de ce long métrage, comme Benuts pour les VFX et Bardaf pour la post-production sonore, sont de retour ici pour Signal, une ambitieuse série de science-fiction dirigée par Elena Hazanov. On y suivra une astronaute, de retour d’une mission spatiale, qui retrouve une réalité altérée où sa fille est morte. Une vérité inacceptable qu’elle va tenter de contourner en se lançant dans une dangereuse aventure. Il est à noter que c’est uniquement grâce à la combinaison du Tax shelter et de Wallimage que la Belgique (et en particulier la Wallonie) est apparue plus attractive que la Roumanie qui aurait pu la remplacer dans une combinaison financière, toujours délicate à équilibrer. Lors de cinq jours de tournage en Wallonie, 24 technicien·ne·s wallon·ne·s officieront sur le plateau tandis que la filière son sera wallonne sur l’entièreté du projet. La postproduction du son se fera chez Bardaf et les VFX chez Benuts.

Cette quatrième session de 2024, la 121e de l’histoire de Wallimage voit également deux gros films français coproduits par Umedia en Belgique rejoindre notre line-up.

Avec Le livre du désert, Gilles de Maistre reste dans la veine du film d’aventures animalier destiné à un très large public familial. Après Moon le Panda, actuellement en postproduction (et déjà cofinancé par Wallimage), il tourne au Maroc l’histoire vraie d’un enfant perdu dans le désert et recueilli par… des autruches. Sept technicien·ne·s wallon·ne·s participent au tournage tandis que les SFX (effets spéciaux réalisés en direct) sont pris en charge par Level9. KGS et TSF.BE loueront une partie du matériel, car le Maroc n’assure pas les locations pour les productions étrangères. Genval-les-Dames pour le bruitage et Bardaf pour le reste de la postproduction son et image opéreront ensuite tandis que Benuts réalisera des VFX pour une enveloppe de plus d’un demi-million d’euro.

Dans le registre plus classique de la comédie familiale, C’était mieux demain, premier long métrage de Vinciane Millereau réunira Didier Bourdon et Elsa Zylberstein, époux en 1958, propulsés à notre époque où ils découvriront un monde en pleine mutation, affectant jusqu’à l’équilibre interne de leur couple. Grâce à Umedia, c’est la douzième fois qu’UGC délocalise tout ou partie du tournage d’une de ses productions en Wallonie. Waterloo accueille ce tournage durant 20 jours avec, sur le plateau 6 petits rôles et 14 technicien·ne·s wallon·ne·s. KGS, Karaboutcha et Macadamcar assurent les locations tandis qu’Auguste Traiteur s’occupe de la cantine, l’Équipe Wallonie de la gestion des rushes et Benuts, des quelques VFX.

En route pour la dernière de l’année

La dernière session de 2024 débutera le 14 novembre pour couronner une année intense où le nombre de dossiers qui nous ont été soumis a explosé. Cette croissance nous oblige bien sûr à des analyses de plus en plus longues et, surtout, à des choix de plus en plus cornéliens laissant sur le tapis de très bons dossiers qui, en d’autres temps, auraient pu devenir un peu wallons.  Ce sera probablement de plus en plus souvent le cas. Il faut s’y habituer dès maintenant.