Une Chanson pour ma mère : un film écoresponsable

  • 22.03.2013

Sophie Cornet est écoconseillère indépendante. Avec la Fédération Wallonie-Bruxelles, elle a édité un Petit guide écocinéma, distribué par le centre du cinéma en 2011. On peut le télécharger en pdf sur cette page .
Il s’agit d’une première démarche pédagogique, initiatrice. Sophie qui axe son travail sur l’industrie du divertissement et de la culture œuvre aussi pour La Monnaie. Elle s’y occupe notamment de la gestion environnementale de l’institution et de l’impact écologique des spectacles qui y sont développés.

Rendre les tournages plus « écologiquement responsables » c’est l’ambition de Sophie qui vient de vivre une première expérience cinématographique de longue haleine sur Une Chanson Pour ma Mère, le long métrage de Joël Franka.

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PRÉALABLES

Dès le départ, Sophie a rencontré chez Bonne Pioche, la maison de production française, des interlocuteurs sensibilisés à la thématique au niveau personnel et structurel. Les premiers contacts eurent lieu un an avant le début du tournage et Sophie, chargée de la coordination et de l’impulsion du projet, eut donc tout le loisir de concevoir son (inter)action de façon progressive avec les intermédiaires qui devaient l’épauler.

« Novak, le producteur exécutif en Belgique m’a aidé à convaincre les producteurs belges et français de l’intérêt de la démarche. Bernard de Dessus a été un indispensable soutien pour présenter le projet auprès de tous. C’est d’ailleurs déjà lui qui avait soutenu la démarche écologie et cinéma en m’introduisant auprès du centre du cinéma en 2010. Il s’agissait ici de faire comprendre à tous que la dimension écoresponsable pouvait s’inscrire harmonieusement dans la gestion du film sans que le tournage en soit parasité ou le budget grevé ».

Une fois ces supports acquis, l’étape suivante consiste à discuter avec chacun des chefs de département : le directeur de production, les décorateurs, les régisseurs pour développer les idées qui pourront être appliquées à un tournage spécifique. Dans le cas d’Une Chanson pour ma mère, un plan global a été défini et la charte fut insérée dans la bible. Au fil des jours, un travail de communication pris en charge par la production servait de constante piqûre de rappel.

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LA MISE EN PLACE

Concrètement, la démarche commence par une réflexion sur la manière de rationaliser certains aspects structurels : réduire la consommation de papier de toutes les équipes, par exemple. Présenté ainsi, ça a l’air simple, mais l’audit s’étendait au grammage des feuilles, au type d’impression effectué, au recyclage des documents…

Pendant le tournage, une série de décisions notamment liées à l’intendance et à la cantine furent prises en concertation avec l’équipe, comme la suppression des gobelets jetables. Ça n’a l’air de rien, mais pour donner un chiffre susceptible de frapper les imaginations ce sont 9000 verres en plastique qui furent épargnés. Et on parle naturellement ici d’un tournage de taille modeste.

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Pour éviter l’utilisation de ces récipients fort peu écologiques, un partenariat fut noué avec une société qui propose une gourde écologique . Chaque membre de l’équipe en reçut un exemplaire qu’il pouvait remplir à une fontaine à eau. Pour les sodas, des bouteilles en verre, donc recyclables, remplacèrent les bouteilles en plastique ou les cannettes.

Des verres classiques étaient également disponibles. Combinés aux assiettes et couverts, ils ont été le principal souci de l’intendance… obligée de faire souvent la vaisselle. Mais chacun ayant fait contre mauvaise fortune bon cœur, le projet a néanmoins été conduit avec sérieux jusqu’au bout.

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Le tri sélectif général fut aussi institutionnalisé, ce qui n’a rien d’une sinécure puisque le tournage se déplaçait à plusieurs reprises. À Libramont, le travail a été mené avec la commune qui a fourni des bennes de tri. À Overijse, des poubelles différenciées ont été mises à disposition de l’équipe avec des affichettes. Petit enjeu pédagogique : d’une commune à l’autre, les couleurs de sacs étant différentes, il était important de conscientiser tout le monde pour conserver une attention maximale.

L’aspect écologique du tournage passe aussi par le choix de la cantine. Sur Une chanson pour ma mère, il y en eut deux. Sophie a particulièrement apprécié la démarche de celle qui officiait à Overijse. Implantée à Virginal, L’Etable d’Hôtes ne se « contente » pas de cuisiner des produits bio. L’implication écologique est au coeur d’une réflexion érigée en mode de travail avec la recherche constante d’aliments de petits producteurs locaux, de saison, aliments et distribués en circuit court. Au bout du compte, l’équipe fut ravie par les repas sains, copieux et énergétiques

L’équipe déco, très conscientisée par le phénomène préféra rechercher des matériaux de récupération et de réutilisation pour bâtir les éléments du décor. Au-delà de l’envie de « recycler », la volonté de travailler avec des matériaux plus sains, moins polluants, conduisit par exemple à repeindre la ferme avec de la peinture à la chaux plutôt qu’avec une quelconque matière moins naturelle. Selon Paul Rouschop, chef décorateur réputé, cette démarche pourrait mener à de substantielles économies si on prend le temps de la réflexion pour envisager des achats durables et le recyclage.
Le département « costumes » a suivi une démarche analogue : au lieu de concevoir des bures de moines, on privilégia les costumes de réutilisation.

Le dernier point mis en œuvre sur le tournage d’Une Chanson pour ma mère est lié aux émissions polluantes dues aux transports. Viaecoscore.be , la production a pu choisir en toute connaissance de cause les véhicules les plus adaptés au concept. La société sélectionnée a même fourni une voiture électrique qui est celle de Michel (Fabrizio Rongione) dans le film. Un message subliminal à destination des spectateurs : Michel qui est le branché de la famille a fait le choix de l’avenir!

La sélection des lieux d’hébergement a également été faite au plus près du plateau tandis qu’une incitation au covoiturage a été renforcée par un bonus : un remboursement au km plus élevé pour tous ceux qui le pratiquaient. Il suffisait d’y penser.

Le point commun à toutes ces démarches ? Chercher des solutions intelligentes plutôt que de céder à la facilité. Toujours. Dans tous les domaines. Et ce n’est qu’un début bien sûr.

UNE OPTION D’AVENIR

À ce stade, l’impact économique à court terme du choix d’un tournage écocompatible est difficile à mesurer. Mais tant que cela ne coûte pas plus cher, personne n’y verra d’objections. Il est néanmoins déjà possible d’intégrer ces arguments de développement durable dans des recherches de financements complémentaires pour trouver de nouveaux investisseurs sous la forme d’institutions ou de sociétés particulièrement sensibilisées à ces matières essentielles.
En France et au Royaume-Uni, deux pays particulièrement à la pointe dans ce domaine, différents outils ont déjà été imaginés pour parvenir à un équilibre financier autour de ces démarches écologiques.

Le nombre de tournages beaucoup plus important que chez nous y permet une base de réflexion plus large, axée sur l’achat de matériaux durables et réutilisables et une consommation plus rationnelle des ressources naturelles. En région Paca, le projet « Agir » a été mis en place en 2010. Il s’agit d’un programme régional pour le développement durable. Un poste consacré au cinéma y est incorporé. Depuis sa création, les producteurs du film peuvent soumettre des dossiers écocompatibles et bénéficier d’un accompagnement. Jusqu’ici plus de vingt projets ont déjà été soutenus par ce programme

Le site ecoprod donne aussi de nombreux conseils et informations pratiques pour des productions audiovisuelles respectueuses de l’environnement.

Après l’exceptionnel travail réalisé par Nic Balthazar sur son deuxième long métrage Tot Altijd, celui que Sophie Cornet a entrepris sur le tournage d’Une Chanson pour ma mère est une démarche, différente, mais qui pourrait bien déboucher sur une opération de longue haleine touchant une partie des productions initiées chez nous.

Si l’initiative vous intéresse, n’hésitez pas à prendre contact avec Sophie via son site .

Le développement économique d’une région qui prétendrait faire fi de son développement durable est un concept qui ne tient pas la route… Mettre en place et promouvoir des tournages écoresponsables est donc une idée… 100% Wallimage-compatible.