près s’être assez remarquablement adaptés aux conditions exceptionnelles en appliquant des mesures strictes et efficaces puis en se diversifiant, les producteurs belges fourbissent à présent leurs armes pour animer les prochains mois, ceux de la reprise en fanfare. Le nombre de projets qu’ils préparent est en nette augmentation et cette session de printemps est clairement celle qui indique que tout le monde pronostique une sortie de crise rapide.
Confronté à un nombre de dossiers en augmentation et obligé d’opérer à nouveau des choix draconiens, le CA de Wallimage a décidé d’affecter plus de 1,5 million d’euros à 10 projets, très variés comme d’habitude. De l’animation, des séries, des films, d’initiative belge ou étrangère avec des dépenses wallonnes, sur les meilleurs dossiers, en nette augmentation par rapport aux derniers mois : c’est une excellente nouvelle.
Quatre des projets retenus à l’occasion de cette 104e session ont été initiés en Belgique. Deux sont des longs métrages de fiction. Il y a aussi une série et un documentaire.
Le plus vivant possible est présenté par Versus et porté par Delphine Girard, celle-là même qui fut nommée aux Oscars pour son court métrage Une sœur. C’est précisément de cet excellent film que la réalisatrice a décidé de repartir pour se demander comment ont pu évoluer les personnages jusqu’au procès qui scellera l’affaire. Selma Alaoui, Guillaume Duhesme et Veerle Baetens reprendront leur rôle original et seront notamment rejoints par la Québécoise Anne Dorval. Partagé entre la Wallonie et Bruxelles, le tournage accueillera 39 techniciens wallons. L’essentiel de la postproduction se fera en France pour satisfaire aux légitimes exigences de la coproduction.
J’aime la vie (nos amitiés à Sandra Kim qui a inspiré ce titre) est une coproduction, mais celle-ci est entièrement belge , partagée entre Lunamine qui est à la manœuvre à Gand et Tarantula qui nous a proposé ce projet. Ce premier long métrage de l’acteur flamand Mathias Sercu est un drame en partie désamorcé par le traditionnel point de vue flamand mêlant volontiers à la noirceur du propos l’émotion, l’humour et la tendresse. Emmené par deux actrices de la série De Twaalf (Charlotte De Bruyne et Greet Verstraete), le tournage se divisera de façon assez équitable entre la Flandre et les Ardennes belges avec des techniciens et du matériel wallon. Pour la postproduction, on note des interventions de Mikros pour les effets spéciaux, Bardaf pour le montage son ou encore Charbon pour l’étalonnage et le mastering.
Attraction qui a été déposé par Les Gens est une minisérie de 6X52 minutes, soutenue en Belgique par le fonds des séries. Ce thriller domestique interprété par Laura Sepul a été écrit par Barbara Abel et Sophia Perié et sera réalisé cet été par Indra Siera. La moitié du tournage se fera en Brabant Wallon tandis que 33 techniciens de notre région seront à pied d’œuvre. Toute la filière son sera wallonne, aussi bien en sur les plateaux qu’en postproduction (Dame Blanche) ainsi que l’étalonnage et le montage. Soit, en tout, 1844 jours de travail pour des techniciens wallons et 112 pour des comédiens. Ce qui donne l’équivalent de 9 Emplois temps pleins pendant un an. D’excellentes perspectives économiques pour notre région, donc.
Le quatrième projet initié chez nous n’est pas du même calibre au niveau financier, mais ce documentaire signé par Christophe Hermans (La Ruche) nous replonge au cœur du CHU de Liège en octobre 2020 au moment où les équipes médicales doivent faire face à cette seconde attaque tant redoutée. Dans la lignée de En attendant la deuxième vague, récemment diffusé par la RTBF, Des corps et des batailles – volet 2 complètera l’expérience. Un film de cinéma naîtra d’ailleurs du mix de ces deux films. Dérives et Frakas sont à la production de ce document puissant qui restera sûrement dans les annales comme le premier volet.
Que serait une session de Wallimage sans projets d’animation ? Depuis une quinzaine d’années, maintenant l’animation est devenue un des secteurs les plus porteurs de l’audiovisuel wallon à tel point que de nouveaux studios sont en train de se créer et promettent de renforcer encore l’image de marque de notre région dans ce secteur.
Chronologiquement, Dreamwall fait aujourd’hui figure d’ancêtre dans cette petite constellation. Un ancêtre qui se porte magnifiquement bien et multiplie les projets passionnants qui lui permettent de stabiliser des équipes maison spécialisées dans la 2D ou la 3D pour mener de front plusieurs projets. La saison 2 de La famille Blaireau-Renard est un projet stratégiquement très intéressant puisqu’il démontre que la France et la Belgique (Belvision), avec les aides proposées dans chacun des deux pays, peuvent faire face à la configuration mise en place pour la saison 1, à savoir une collaboration entre la France et l’Inde. Adaptée d’une série de bandes dessinées dont les 7 titres publiés jusqu’ici ont déjà été traduits en 14 langues, cette aventure permettra à la société carolo de réaliser les décors de 14 épisodes ainsi que le layout 3D et l’animation de 26 épisodes. 14 animateurs, 6 décorateurs, 2 layoutmen et un directeur technique seront à l’œuvre autour de 5 postes-cadres, soit une équipe de 27 personnes pour un total de 5.626 jours/hommes. Tout ce qu’on aime.
Face à Dreamwall, la nouvelle incarnation de Digital Graphics fait évidemment figure de nouveau venu, mais la notoriété de la société d’Alleur, dans un positionnement très différent de sa première mouture, est déjà impressionnante. En deux années, le studio mené par Thierry Tirtiaux a attiré dans ses filets quatre productions internationales. Partie de Campagne lui a été amené par Scope Pictures qui a renouvelé la collaboration franco-belge entamée avec La station animation sur la série Grosha et MrB, déjà vendue dans une dizaine de pays. Digital Graphics hérite ainsi de 280 jours de travail sur 15 storyboards et sur l’animation de 39 épisodes entre le mois de mars 2021 et juillet 2022. Le travail de storyboarding pour 5 personnes représentera 240jours/hommes et l’animation 3400 jours/hommes, soit au total l’équivalent de 16 temps pleins pendant un an. En bonus, la fabrication des masters des 52 épisodes sera confiée à Studio l’Equipe Wallonie.
Les quatre derniers projets sont des coproductions initiées à l’étranger. Trois sont des longs métrages, mais Karen est une série scandinave conçue autour de l’écrivaine danoise Karen Blixen, auteur de la ferme africaine qui a donné au cinéma le fameux Out of Africa. Produite au Danemark par Zentropa épaulé par Viaplay la plate-forme reine en Scandinavie (Atlantic Crossing), cette série a été attirée en Belgique par Belga Films qui a proposé de tourner dans les studios Lites toutes les séquences de rêves. Pendant ces deux semaines, l’essentiel de l’équipe sera wallon. Mais la société de Braine-L’Alleud en a aussi profité pour ramener chez nous les VFX qui seront réalisés chez Benuts et la musique de cette très prestigieuse série qui sera confiée au Montois Yves Gourmeur.
Tourné à Berlin, Black Box sera un huis clos en temps de pandémie : la cour d’un grand immeuble est bloquée par la police en raison d’un événement ambigu qui ne va pas tarder à provoquer un état d’urgence parmi les résidents. Du coup, l’insécurité engendre la peur, les préjugés se polarisent. Le sujet a séduit les frères Dardenne et ce sont donc les films du fleuve qui coproduisent chez nous ce film tendu, très métaphorique. 25 techniciens wallons rejoindront l’équipe de la réalisatrice turque Asil Ozge tandis que Bardaf, COB, Chambre noire, et Mikros se partageront une grosse partie de la postproduction.
Les deux derniers projets retenus sont des comédies françaises qui ont en commun d’être bien écrites, rythmées et d’avoir de sérieux atouts pour générer un succès public chez nos voisins.
Umedia nous a amené Les têtes givrées, un long métrage de Stéphane Cazes (Ombline) produit en France par La Bonne Pioche qui porte bien son nom. Cette comédie écolo très intelligente met en scène un ancien entraîneur de ski, devenu le professeur référent d’une classe « difficile ». Quand il emmène ses élèves sur le glacier voisin, c’est le choc : impressionnés par la beauté de ce qu’ils découvrent, les jeunes veulent l’empêcher de disparaître et se lancent dans un combat aussi passionnant que désespéré. On imagine parfaitement Clovis Cornillac dans le rôle de cette tête brûlée au grand cœur. Claudia Tagbo et le jeune wallon Louis Durant seront également de l’aventure. Si les dépenses globales ne sont pas exceptionnelles elles sont structurantes avec une belle équipe wallonne sur place, une filière son 100 % régionale et les VFX qui seront réalisés par Umedia VFX Wallonie ou par Mikros.
La tête dans les étoiles est la première comédie française coproduite par Benoit Roland (Wrong men). Il y accompagne le Français Charles Gilibert. Les deux hommes ont appris à se connaître sur l’épique aventure Annette. Le héros de cette folle histoire imaginée par Emmanuel Gilibert (Les dents, pipi et au lit !) est le youtubeur à succès Hakim Jemili (Docteur ?) qui incarne un type un peu loser qui gagne mal sa vie en livrant des pizzas pour diverses sociétés avant de se retrouver, à la suite d’une série de quiproquos très drôles, dans une fusée internationale. Le film sera entièrement tourné en France, avec 50 techniciens wallons (dont 8 chefs de postes). La postproduction image sera Wallonne avec le mastering, l’étalonnage et tous les VFX (pour plus de 300.000 euros) chez l’Autre Compagnie à La Hulpe.