110e session : chronique d’une (longue) sélection alléchante

  • 08.07.2022

Lundi 4 juillet, le conseil décentralisé des coproductions, instance statutairement responsable des investissements en coproductions, a décidé de cofinancer onze nouvelles œuvres audiovisuelles pour un montant total de 1 349 000 euros. Deux séries, deux longs métrages d’animation, quatre longs métrages live, deux documentaires et une collection de capsules humoristiques très wallonnes, qui généreront dans notre région plus de 8 millions d’euros de dépenses, rejoignent ainsi notre line-up. Quatre de ces œuvres sont d’initiative belge, sept sont des coproductions minoritaires. Avec la France bien sûr, mais aussi le Canada, l’Italie, la Norvège, l’Allemagne et le Luxembourg. Diversification oblige !

Dans ce panorama hétéroclite, Toto se met au vert apparait comme un projet de facture classique pour Wallimage qui a déjà financé le premier volet de cette comédie en 2019. La grande différence entre les deux films est que celui-ci sera presque intégralement tourné en Wallonie (28 jours sur 36), notamment dans une ferme, en région liégeoise. Un pareil dossier, on s’en doute, génère d’importantes dépenses en région, directes et indirectes. Parmi celles-ci, les salaires d’une équipe de 52 personnes domiciliées en Wallonie, dont 7 chefs de poste (tournage et postproduction confondus) et pas mal de location de matériel (caméra chez TSF, électro chez Eye Lite, la machinerie chez K-Tiousha, location son chez Ad Hoc, loges chez Location Consulting and Facilities). À Toutes Faims Utiles s’occupera de la cantine, Cob et Bardaf de la postproduction sonore et Digital District des VFX. Une proposition qui ne se refuse pas, assortie de remontées de recettes potentiellement intéressantes, boostées par Frakas qui porte à nouveau le volet belge du dossier.

Toujours au rayon des comédies familiales françaises destinées à capter l’attention d’un très large public, Les trois vengeances de Maître Poutifard est le nouveau long métrage de PEF (Pierre-François Martin-Laval) qui réunira à l’écran Christian Clavier et Isabelle Nanty. Le tournage ici est surtout bruxellois avec une échappée en Flandre et cinq jours en Wallonie (Genval, Villers-la-Ville, Braine-le-Comte). Outre une solide team de techniciens wallons sur le plateau et un peu de location afférente, Umedia qui nous a amené ce dossier propose d’effectuer le montage image et une partie des VFX en Wallonie. Une proposition assortie d’excellentes conditions de remontées de recettes.

Dans un registre plus dramatique, Superluna est déjà la 6e collaboration entre Tarantula et la compagnie italienne Vivo Film. Grâce à cette association de longue haleine, Tarantula est aujourd’hui considéré comme un partenaire idéal dans les coproductions belgotransalpines. Joseph Rouschop a même eu le plaisir de partager deux Donatello (les César nationaux) couronnant les meilleurs producteurs de l’année en Italie. Superluna, qui raconte comment un petit village s’organise après un tremblement de terre dévastateur, sera tourné en Italie. Quelques techniciens wallons participeront à l’aventure, et l’intégralité de la postproduction se fera chez nous : le montage son et le mixage seront assurés par Marc Bastien et Franco Piscopo (dans son studio de Rosières), un duo également récompensé aux Donatello. Les deux hommes ont travaillé par le passé sur Nico 1988, Miss Marx et Chiara de Susanna Nicchiarelli, mais aussi sur Freaks Out et Piove, toutes des coproductions boostées par Wallimage. Le bruitage sera effectué par Éric Grattepain. Charbon Studio prendra en charge l’étalonnage tandis que les VFX seront fabriqués en Wallonie (studio encore à préciser). Il est à noter que Superluna devrait être le premier film soutenu par Wallimage à obtenir une labellisation Green pour l’ensemble de son processus de fabrication. Une première reconnaissance pour le travail de fond que nous menons depuis quelques années dans ce domaine.

Le dernier long métrage de fiction live adoubé lors de cette session est signé Claude Schmitz et porté par Benoit Roland pour Wrong Men. L’Autre Laurens est un faux film noir qui détourne les standards du genre. Malgré un budget modeste, il sera tourné sur une période de 40 jours en grande partie dans le Sud-Ouest de la France, avec une petite équipe. Une démarche inhabituelle qui rencontre les désirs artistiques du réalisateur. À l’aune du financement global, les dépenses wallonnes sont moins conséquentes que dans d’autres dossiers, mais elles sont équilibrées sur toute la chaîne de production : on trouve des techniciens sur le plateau, un peu de location, et une postproduction liégeoise chez Cob, Bardaf et MPC.

 

SÉRIES NOIRES

Les deux séries reçues et retenues à cette session sont, par contre, de grosses coproductions internationales.

Beyond Black Beauty est un reboot de la série de 1972, qui a déjà donné lieu à un film en 2020. Initiée au Canada, cette série de 12 épisodes de 30 minutes, au budget confortable, sera diffusée en Amérique par Amazon Prime. Hubert Toint (Saga Film), qui multiplie les coproductions enthousiasmantes pour Lars Von Trier, Thomas Vinterberg ou Peter Greenaway, s’occupe du volet belge de ce projet destiné aux enfants et aux ados. On y suivra Jolie, 15 ans, jeune cavalière belge métissée qui rêve de jeux olympiques jusqu’au jour où elle doit quitter l’Europe pour vivre dans le ranch américain de sa mère. Sa déception est terrible, mais elle va rencontrer là-bas un étalon baptisé Beauty. La formidable complicité qui s’installera entre eux changera le cours de leur existence. 21 jours de tournage sont prévus en Wallonie pour les deux derniers épisodes de la saison 1. Ils seront majoritairement gérés par une équipe wallonne (37 techniciens pour plus de 450 000 euros de salaire) dans des décors wallons destinés à s’exporter à travers le monde.

Night in Paradise est une minisérie allemande, très différente dans sa tonalité et ses intentions. Inspirés d’un roman graphique, ces six épisodes nous plongeront dans un taxi circulant à travers les rues d’une mégalopole en effervescence qui peut évoquer Munich pendant la fête de la bière ou… Gotham City. Grâce à Belga, l’intégralité de cet énorme tournage (64 jours) se déroulera en Belgique. Plus de 500 000 euros seront consacrés aux techniciens sur le plateau, plus de 350 000 à la location de matériel. À cela s’ajoutent des SFX réalisés par Level 9, le catering (Eat me), mais aussi l’utilisation du studio virtuel Magic Loom pour six jours, toute la postproduction son au Studio l’Équipe Wallonie, les VFX chez Benuts et, cerise sur le gâteau, la composition et la gestion de la musique originale par Yves Gourmeur (General Score).

 

ARTY BUT SEXY

Une session de Wallimage sans animation est aussi inconcevable qu’un carnaval sans sabots, ni plumes d’autruche, un Doudou sans dragon, une fête en Outremeuse sans Peket. Deux nouveaux longs métrages artistiquement très alléchants rejoignent ainsi notre line-up.

Porté en Belgique par Umedia, Planètes met en scène quatre akènes de pissenlit (!!!). Rescapés d’une explosion nucléaire ayant détruit la Terre, ils sont projetés dans le cosmos, échouent sur une planète inconnue et partent à la recherche d’un sol propice à leur survie. OVNI audiovisuel, situé quelque part entre Microcosmos et Minuscule, Planètes est un poème visuel qui proposera à un public familial un voyage émotionnel et une réflexion sur l’urgence climatique. Réalisé par Momoko Seto, une scientifique japonaise travaillant au CNRS et passionnée d’image, Planètes mélangera des techniques de prise de vues réelles très originale et de l’animation traditionnelle qui sera concentrée à Liège au studio MPC. Sept artistes placés sous la direction de Guyone Leroy prendront en charge les pérégrinations des héros végétaux pendant six mois. Le mixage son sera réalisé chez Bardaf.

Valemon, La légende de l’ours blanc repose sur une vieille légende norvégienne rappelant un peu les enjeux narratifs de La belle et la bête. Ce long métrage d’animation en 2D, déniché par Belga est porté en Belgique par Vivi Film avec qui Wallimage a participé aux Oscars en 2010 pour Brendan et le secret de Kells. Ce projet-ci a l’intérêt de mettre en place un pipeline belge pour épauler des coproductions internationales. Un studio flamand, un studio bruxellois et un studio wallon (Dreamwall en l’occurrence) se partageront les tâches belges, chapeautés par Viviane Vanfleteren, une spécialiste de l’animation. 130 jours de fabrication se dérouleront à Marcinelle pour des dépenses régionales dépassant les 700 000 euros. Les 17 techniciens impliqués cumuleront 2.075 jours de travail, soit l’équivalent de 9,4 temps plein sur un an. Les 3 fonds régionaux sont envisagés, sur base d’un parfait équilibre de dépenses, ce qui en fait un très bon dossier.

 

GLOIRE ET DEBOIRES

À l’ombre des héros de la résistance s’inscrit dans la lignée du formidable documentaire Les enfants de la collaboration, diffusé sur la RTBF en novembre 2020 et déjà produit par Les gens. Le canevas ne sera pas tout à fait identique, mais Anne-Cécile Huwart ira à nouveau à la rencontre des descendants de personnes ayant participé à la Deuxième Guerre mondiale, du côté des résistants cette fois, pour constater qu’être la fille ou le fils de héros n’est pas toujours vécu comme une chance ou un honneur. Tristan Bourlard, coréalisateur du documentaire, produira avec Zest Studio (studio d’animation spécialisé dans le documentaire, qui s’occupera aussi ici du montage et de l’étalonnage) des séquences animées illustrant des témoignages cruciaux. Prévu sur la Une en fin d’année, ce second volet d’une collection assez unique dans les annales bénéficiera en outre d’une musique originale composée par le Montois Michel Duprez.

Dans un style et avec des enjeux très différents, Esport, world of gamers de Bastien Martin nous plongera dans le monde de l’esport, qui « désigne la pratique sur Internet ou en LAN party d’un jeu vidéo seul ou en équipe, par le biais d’un ordinateur ou d’une console de jeux vidéo » (merci Wikipédia !). Beaucoup d’adolescents, férus d’immersions virtuelles, aspirent à devenir professionnels. Ils vont bien vite constater qu’il s’agit d’une lutte de tous les instants, à tous les niveaux. Dorénavant porté par Les Films de la Passerelle ce documentaire au budget très modeste, mais aussi très wallon, sera programmé sur Tipik à la fin de l’année à destination d’un public jeune qui découvrira avec gourmandise un univers addictif où les appelés ne sont pas tous des élus. Loin de là.

 

AU CHARBON !

Dernier projet retenu à l’occasion de cette 110e session, Les chroniques du Charbon, produit par Big Trouble in Little Belgium a capté notre attention lors d’une présentation fort réussie dans le cadre d’une rencontre organisée par le très dynamique Comptoir des Ressources Créatives montois. Bluffés par le charisme de son scénariste et interprète principal Baba Nezar et par le professionnalisme humble et décontracté de son producteur Thibaut Dopchie, nous avons entamé avec l’équipe un travail au long cours pour imaginer comment Wallimage pouvait intervenir dans le financement de ce projet entièrement tourné à Saint Ghislain pour une diffusion sur Tipik. Cette série de 25 capsules déjantées de 3 minutes raconte le quotidien, dans un quartier dit sensible, d’une bande de potes devenus dealers par accident. Sa réalisation repose en partie sur une équipe technique jeune mais volontaire, les talents de demain si on leur apporte le soutien qu’ils méritent. À l’issue de la présentation du dossier, très professionnellement constitué par ce nouveau venu dans notre famille, le conseil décentralisé des coproductions a décidé qu’une telle mission d’accompagnement incombait aussi à Wallimage, car le moteur de l’audiovisuel wallon se doit d’être attentif au renouvellement des forces créatives régionales. Inutile de préciser que cette décision nous emballe et que nous lui consacrerons toute l’énergie qu’elle requiert.