Une 108e session dans l’air du temps

  • 25.02.2022

Le cinéma peut n’être que récréatif, mais il s’empare aussi très souvent de sujets brûlants pour (tenter de) secouer les consciences. C’est à nouveau ce que démontre cette session emmenée par trois longs métrages qui abordent sans faux-fuyants le calvaire des migrants et le dérèglement climatique. Mais loin d’en faire des pensums bien-pensants, les scénaristes ont construit des œuvres haletantes, pleines de suspense, que des producteurs belges ont réussi à localiser (en partie du moins) en Wallonie. Une aubaine pour le conseil décentralisé de Wallimage réuni ce vendredi 18 février en ligne, qui n’a eu que l’embarras du choix pour pointer les investissements audiovisuels les plus profitables pour la région.

 

 

La filière italienne

 

 

Accueillir dans son line-up l’immense réalisateur italien Matteo Garrone est évidemment un honneur, mais ça n’aurait pas été possible sans le travail mené par Joseph Roushop en Italie depuis quelques années. Un travail reconnu par les professionnels transalpins qui permet à Tarantula de multiplier les contacts par-delà les Alpes sur des canevas de coproduction toujours très porteurs pour la Wallonie. Pour Io Capitano qui raconte l’incroyable odyssée de deux jeunes Sénégalais vers l’Italie (tournage entre le Sénégal, le Maroc et les côtes italiennes), Tarantula a réuni une équipe de huit Wallons, dont sept chefs de postes. Sur le plateau, ils s’occuperont notamment des SFX (Jean-Christophe Bourgeois et sa société FX Factory) tandis que MPC Liège réalisera 60 % des VFX pour un montant minimum de 800 K.

Par un (pas si) curieux hasard de calendrier, Joseph Roushop toujours, mais sous bannière Gapbusters cette fois, nous a aussi proposé La Guardia qui est en quelque sorte la continuation scénaristique de Io Capitano. Ici, nous suivons Sara, gardienne dans un centre italien de rétention pour… migrants. Cette femme de 37 ans, qui a fait de l’indifférence une arme lui permettant de traverser l’existence sans trop d’accrocs, va presque malgré elle être obligée de prendre en charge une fillette syrienne. Petit à petit, au mépris de ses obligations et de la loi elle-même, elle va trouver une part d’humanité qu’elle ne soupçonnait pas. Cette coproduction italo-germano-belge dépense moins d’argent en Wallonie que l’autre dossier liégeois… mais se focalise sur des postes très porteurs. Seize techniciens wallons (dont une équipe maquillage) participeront au tournage qui se déroulera en Italie, en Autriche et en Allemagne. La filière son sera wallonne avec une post production prévue chez Bardaf, Cob Studio et Mute and solo. Benuts s’occupera desVFX et Genval-les-Dames se chargera de l’étalonnage. Comme quoi, contrairement à une idée répandue, un projet avec des dépenses à peine supérieures à notre plancher peut tout à fait se qualifier haut la main.

Eau Forte nous plonge dans un autre sujet d’actualité… brûlant. Guillaume Canet y incarnera Michal qui tente avec sa fille et son ex-femme d’échapper à des pluies acides qui tuent humains et animaux, détruisent la flore et s’attaquent à toutes les constructions. Un thème fort que Just Philippot, révélé par La Nuée (à voir sur Netflix), traite avec maestria, par le petit bout de la lorgnette. Une dizaine de jours de tournage sont planifiés en Wallonie notamment pour une scène clé du film sur un pont à Visé avec quelques acteurs wallons dont l’excellent Pierre Olivier. Grâce à Umedia qui coproduit chez nous, on retrouvera dix régionaux sur le plateau et cinq en post production. Le matériel électrique et la machinerie seront loués chez KGS tandis que Genval-les-Dames se chargera du bruitage et que Digital District Wallonie, implanté à Wavre, réalisera 20 % des effets spéciaux en partenariat avec son grand frère français.

 

 

Les Arcanes des séries

 

 

Outre ces trois fictions internationales échevelées, cette 108e session de financement a permis à Wallimage de soutenir trois projets classés dans la catégorie « séries », même si l’un d’eux n’est composé que de deux épisodes de 45 minutes et ressemble donc furieusement à un long métrage.

Caméra Café, 20 ans déjà (tout est dans le titre), nous ramènera autour de la fameuse machine à café où Hervé et Jean-Claude (Bruno Solo et Yvan le Bolloch) ont multiplié les facéties au fil de 570 capsules euphorisantes diffusées au début des années 2000 sur M6 et Club RTL. À l’époque, les deux losers s’imaginaient devenir riches et célèbres, mais la vie en a décidé autrement. Qu’est-ce qui a foiré ? C’est ce qu’ils vont tenter de découvrir en se remémorant vingt années de galère. Grâce à Belga, le tournage aura lieu dans un studio bruxellois et, pour un seul jour, en extérieur en Wallonie avec 32 techniciens dont une équipe déco épaulée par l’atelier L’Entrepool qui vient des arts de la scène et va reconstruire les bureaux d’origine, revus, patinés et corrigés au fil du temps. À cela s’ajoutent la location de matériel, les VFX chez Benuts, la cantine, et la postproduction son et image. Thomas Rentier découvert sur Spaceboy sera le chef opérateur wallon du projet. Au final, un dossier assez copieux avec des dépenses en personnel qui représentent 55 % des investissements en Wallonie. Pas mal du tout.

Arcanes marque le retour chez Wallimage de Diana Elbaum avec sa nouvelle compagnie Beluga Tree. Ces huit épisodes nous plongeront dans les années 90, au cœur d’une ville sinistrée par la fermeture d’une grande usine sidérurgique. Les tensions sociales sont d’autant plus exacerbées qu’ici tout le monde connaît tout le monde et que deux ans après la mort du fils de la directrice, c’est une adolescente qui disparaît. Fille d’un ancien travailleur, elle était aussi la meilleure amie du défunt. On retrouvera notamment Michelangelo Marchese et Lara Hubinont au casting de cette série réalisée par un duo féminin composé de Sarah Hirtt et Michèle Jacob (coscénariste avec Benjamin Dessy). Sur les 65 jours de tournage, 25 seront localisés en Wallonie avec une équipe de 30 régionaux en plus de la location du matériel chez Eyelite, la postproduction son, l’étalonnage et le mastering programmés au studio l’équipe Wallonie. Les VFX seront fabriqués chez Benuts.

Pour sa quatrième saison, Les Rivières Pourpres adoptera à nouveau son fameux découpage franco-belge avec deux histoires (quatre épisodes) filmées dans chaque pays. Adaptés de l’univers de Jean-Christophe Grangé par des scénaristes qui tentent de préserver son style et ses obsessions, les quatre épisodes belges que Wallimage soutiendra généreront 42 jours de tournage (la plupart en Wallonie), pour 19 techniciens. La location de la caméra, de la machinerie et du matériel électrique chez KGS, la location de décors, de bus pour le covoiturage (Bus2be), de Loges chez Macadam Car, de costumes chez Tigreville représentent des dépenses importantes, encore boostées par des SFX imaginés par FX Factory, un catering wallon, le traitement des rushes et la conformation image chez l’Equipe Wallonie ainsi que le bruitage chez Genval-les-Dames et une bonne moitié des VFX chez UFX Wallonie à Genval. Un menu copieux proposé par Umedia.

 

 

Aventures et écologie

 

À cette liste déjà impressionnante de lauréats viennent encore s’ajouter deux documentaires et un projet VR.

Proposé par Sioux Productions qui nous sollicite pour la première fois, Nanok nous entraînera à travers le Groenland en ski, kayak de mer et escalade, à la suite d’une expédition sans assistance destinée à repousser les limites du possible… et à collecter des données scientifiques. Aux commandes de ce documentaire, on retrouve Xavier Ziomek déjà à la barre de deux saisons de Han et des Rangers de l’Antarctique, des œuvres diffusées sur la RTBF. Ce film de 52 minutes sera d’ailleurs programmé sur Tipik. Il sera également découpé en cinq épisodes pour Auvio et précédé d’une série de capsules publiées sur les réseaux sociaux pour teaser la soirée. Toute l’équipe qui accompagnera le réalisateur bruxellois est wallonne et la post production se fera chez Genval-les-Dames.

Nous sommes aussi en territoire connu avec la team de Wallonie Sauvage qui nous revient pour un troisième volet à nouveau produit par Taka (Hugo Deghilage). Les diffusions des deux premiers films sur RTL (remontés en émission TV) ont respectivement attiré 308 086 et 236 800 téléspectateurs. Un joli succès pour cette production de passionnés qui a nécessité des centaines de journées de traque pour obtenir des images inédites. Ici, on découvrira le précieux et fragile écosystème qui s’est créé dans et autour des vieux canaux du Hainaut, démontrant la formidable résilience de la nature et son incroyable processus de réappropriation de ces anciennes voies navigables construites par l’homme. Le tournage est évidemment 100 % régional comme l’ensemble de la petite équipe emmenée par les réalisateurs Robert Henno et Jean-Christophe Grignard.

Le dernier dossier adoubé par le conseil décentralisé présidant aux décisions de Wallimage Coproductions est un projet VR composé des épisodes deux et trois d’une trilogie produite par Be Revolution Pictures. Le premier volet de Jailbirds, mis sur pied avec le soutien de Wallimage Creative, connaît un formidable succès dans le monde des nouvelles technologies. Il a notamment été récompensé en festivals et acheté par Oculus TV, la référence du genre, qui appartient au groupe Meta (Facebook). 110 Jours de fabrication sont ici localisés en Wallonie chez Atomik Pik, Poolpio et UFX Wallonie avec une équipe de 19 personnes à des postes techniques et créatifs divers.

La prochaine session est toute proche puisque les dossiers devront être transmis à Wallimage au plus tard le jeudi 10 mars à 17 h. Leur analyse se terminera le 23 mars et le CA qui arbitrera les propositions de l’équipe copro se réunira le… 1er avril.

Ce qui n’a rien d’une blague, évidemment.